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  • Alexandra Joutel

Le mécanisme des projections

En psychanalyse jungienne, l’une des étapes importantes du travail sur soi consiste à prendre conscience de ses projections, un processus inconscient qui nous entraîne à attribuer aux autres ou à notre environnement ce qui nous appartient.

Lorsqu’une personne émet des généralités qui stigmatisent un groupe défini de personnes, un mécanisme de projection est généralement à l’œuvre. Prenons quelques exemples courants, bien que caricaturaux : « les hommes sont tous des salauds », « les femmes sont dépensières », « les patrons sont tous des pourris », etc. Nous avons tous entendu ce genre d’affirmation au moins une fois dans notre vie et nous en avons sans doute déjà émises nous-mêmes. Ces projections grossières sont assez simples à repérer, même si la plupart des gens en sont parfaitement inconscients.

Mais il en est de plus subtiles, qui vont se nicher dans les relations individuelles. Par exemple, vous détestez votre collègue de travail, à qui vous reprochez d’être comme ceci ou comme cela et d’avoir tel ou tel défaut. Et vous avez, semble-t-il, des preuves objectives de ce que vous avancez, ce qui confirme votre opinion. Très bien, pourquoi pas. Mais voilà que vous faites un rêve où cet homme se révèle tout à fait différent. Ou pire, vous faites un rêve où vous êtes complice de cet homme pour mener une action commune. Évidemment, ce type de rêve va vous déconcerter ou vous mettre en colère. Vous allez accuser le rêve : « Mais enfin, c’est n’importe quoi ! »

Et pourtant… Il est fort à parier que le rêve soit juste. Dans le premier cas, il va opérer une correction de votre point de vue déformé ou partiellement erroné et vous montrer cette personne sous un autre jour, sans doute plus en phase avec la réalité. Dans le second cas, il va tenter de vous montrer en quoi vous agissez, sans le savoir, exactement comme cette personne.

Dans les deux cas, le rêve indique qu’il y a une projection. C’est-à-dire que vous attribuez à l’autre quelque chose qui, en réalité, vous appartient. Le côté désagréable de l’affaire est qu’il s’agit souvent de ce que l’on considère être des défauts. Car il faut bien l’admettre, on n’aime pas trop avoir des défauts et il est souvent plus facile de les voir chez les autres que chez soi.

Jung disait que le mécanisme de projection, c’est quand « l’inconscient d’une personne est projeté sur une autre, de sorte que la première accuse la seconde de ce qu’elle réalise en elle. Ce principe est d’une telle universalité que nous serions bien avisés, avant de critiquer autrui, de nous asseoir et de réfléchir à savoir si ce n’est pas à nous qu’il conviendrait de jeter la première pierre. »

Un autre grand connaisseur de l’âme humaine, un certain Jésus, soulignait déjà à son époque : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » (Matthieu 7,3).

Ce que les enfants résument par : « C’est celui qui dit qui y est ! »

Bouc émissaire et fanatisme

Le mécanisme de projection peut aller très loin et avoir des conséquences tragiques. Sur le plan collectif, il est à l’origine du phénomène du bouc émissaire. Toute la faute ou tous les défauts sont projetés sur un seul individu, qui devra être sacrifié. De manière pathologique, il est le ressort de la paranoïa : les autres sont tous contre nous et nous en veulent.

Les projections peuvent aussi se porter sur notre environnement : animaux, végétaux, minéraux, éléments du paysage, astres, objets, auxquels on attribuera tel ou tel pouvoir bénéfique ou maléfique. C’est la base de nombreuses croyances.

Enfin, il est à souligner que les projections peuvent être aussi bien négatives que positives. Si l’on se met soudain à attribuer à quelqu’un toutes les qualités du monde (par exemple, quand on tombe amoureux ou quand on adule une personnalité), il y a de grandes chances pour qu’on ne la voit pas telle qu’elle est réellement. « L’amour rend aveugle », dit l’adage. Il risque d’y avoir des surprises le jour où l’on décillera les yeux… Le grand danger de la projection positive est le fanatisme, qui n’est rien d’autre que l’idolâtrie d’une personne, d’une idée, d’une religion, d’une science ou de tout autre concept abstrait.

Jung a donc raison de dire que le mécanisme de projection est universel et, j’ajouterais, très répandu. Nul n’y échappe vraiment en vérité et il faut toujours rester d’une grande humilité et d’une vigilance extrême quant à nos fonctionnements inconscients.

Heureusement, encore une fois, les rêves peuvent nous aider à y voir clair. Certaines images oniriques sont même typiquement l’expression de ce mécanisme. Prenez la salle de cinéma : c’est le lieu des projections par excellence ! Les autres personnes assises avec nous dans l’obscurité représentent nos facettes inconscientes (nos Ombres, en langage jungien) et on peut voir sur l’écran le film de nos projections. D’où l’expression : « Se faire un film ». Il peut aussi s’agir de nos projections dans le futur.

Tous les types de projectiles (flèches, balles, missiles…) sont également intéressants à interpréter de ce point de vue. Ils peuvent aussi bien indiquer les projections que l’on émet que celles que l’on reçoit, car nous sommes bien entendu souvent nous-mêmes le réceptacle des projections des autres et ce, de manière tout aussi inconsciente que lorsque nous les produisons.

Alors, gardez l’œil ouvert et vérifiez si la paille que vous voyez chez le voisin n’est pas un reflet de la poutre qui se trouve chez vous.


(Photo : PublicDomainPictures / Pixabay)


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